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Photo du rédacteurRuth Joiner

Pistes en PPN... Prendre le temps et vivre les temps (Point-clé 2 - la récurrence et le temps long)


Le point-clé n°2 de la pédagogie par la nature est celui de la récurrence et du temps long, qui précise qu’une ou deux sessions constitueront une initiation à la PPN. Mais pourquoi donc est-il si important de se retrouver régulièrement, et par tous les temps ?


Par tous les temps - quel intérêt y-a-t-il à vivre les rudes météos hivernales ou à maintenir la sortie sous une pluie battante à l’automne ?



Au-delà du plaisir que certains peuvent objectivement ressentir à se rouler dans la neige et sauter dans les flaques, la météo est un acteur à part entière de la PPN. Au même titre que le pédagogue et le lieu, elle joue un rôle dans la création des liens entre les participants et la nature. Elle offre des éclairages singuliers et renouvelés sur un lieu unique et un groupe stable. Elle sera un allié de poids du pédagogue dans le développement de la curiosité, de l’émerveillement et de l’envie d’entreprendre. Les évolutions des saisons et situations changeantes offrent autant de renouvellements des “loose parts”, et d’occasions de décider ensemble de ce que nous allons faire. Elles sont également un facteur clé dans la prise de conscience de soi-même, et de la place que l’on occupe dans l’environnement.



Avec les récurrences des sorties, les participants (et les pédagogues / adultes accompagnateurs) se rendent rapidement compte qu’ils ne peuvent rien faire “contre” le temps qu’il fait, mais qu’il faudra faire “avec”. Faire “avec” c’est équiper son corps correctement (“il n’y a pas de mauvais temps, que des mauvais équipements”), et orienter son esprit vers les aspects positifs de la situation (“quelles opportunités m’offre cette pluie - froid - chaleur intense…”). De cette façon, nous transmettons une des bases de la résilience, et démontrons qu’il est inutile de passer sa vie à attendre qu’il fasse soleil pour être heureux. La beauté, les aventures, le bonheur se trouvent même sous les gouttes de pluie ou un ciel maussade. Le pédagogue adoptant cette posture est une source d’inspiration pour les enfants, mais également pour les parents et les accompagnateurs… Une occasion d’essaimer cet esprit et de fournir les bonnes indications concernant les équipements, si possible en amont des sessions ! Par ailleurs, il est parfois bon d’anticiper le manque d’expérience des parents concernant les équipements (les bottes de pluie ne sont pas adaptées au froid intense… si un enfant se présente avec cet équipement par température négative, quelle est la réaction ou solution proposée ? ), avec à l’esprit toujours la fameuse pyramide de Maslow, et l’évaluation du bénéfice-risque de l’équipement inadapté.



Nous avons vécu lors des dernières rencontres nationales du réseau une belle mise en pratique de l’évaluation du risque “météo”. Car oui, certaines situations météorologiques demandent de questionner soit l’organisation de la séance, soit le maintien de l’accueil lui-même. Il va sans dire que les applications météo les plus précises seront consultées systématiquement en amont de chaque cession et permettent souvent d’anticiper les situations particulièrement à risque en milieu boisé (vent et orage). Il n’en reste pas moins que ces prévisions sont loin d’être infaillibles et que la mise en sécurité “en urgence” des enfants doit être anticipée (“Est-ce que je dispose d’un lieu ouvert et éloigné des arbres comme point de repli en cas de grand vent ? Quel protocole en cas d’orage ?). La connaissance approfondie de son lieu par le pédagogue, née de la récurrence, lui permettra d'anticiper la gestion de ces évènements météo - quelles essences d'arbres et quels risques associés, quel sol et quelle réaction à une forte pluie etc...


Régulièrement - en quoi une récurrence fréquente nourrit-elle le projet pédagogique ?


La récurrence permet aux participants d’aller “au bout” de leurs expérimentations et de leurs essais, et leur donne l’opportunité d’ancrer profondément leurs apprentissages. Essayer, échouer, tenter de nouveau, améliorer son approche, s’interroger, trouver sa voie et se sentir enfin en maîtrise et pleinement capable. Mais cet aspect est commun à de nombreuses pédagogies. Ce qui est sans doute plus spécifique à la PPN, c’est l’importance du temps dans la création des relations et des interconnexions.

Créer du lien entre êtres humains prend du temps. Comprendre les autres participants, apprendre à communiquer avec eux, développer une vraie communauté basée sur une culture commune, atteindre une fluidité dans les relations interpersonnelles et la gestion du groupe est un processus presque sans fin…C’est grâce aux observations et interactions répétées que le pédagogue acquiert une compréhension fine des besoins individuels et collectifs, et qu'il sera ainsi capable de se mettre au service du groupe. Un groupe venant ponctuellement sera nécessairement “inconnu”. Des propositions peuvent bien entendu être préparées, et le groupe pourra être accompagné par le pédagogue, mais son intervention n’atteindra jamais la pertinence que sera celle des cessions avec un groupe régulier. La connaissance par le pédagogue de chacun des participants, sa perception de la dynamique du groupe, et des opportunités offertes par la saison et les conditions météorologiques, lui permettront de concevoir des propositions originales et “sur-mesure” qui répondent aux besoins individuels et collectifs.


Créer un lien avec le lieu prend également du temps. La récurrence et l’expérimentation des météos, permettent aux participants de “faire territoire”. La connaissance intime du lieu ouvre les portes de sa compréhension mais également un attachement émotionnel fort. En devenant capables d’identifier les évènements marquants du cycle de vie du lieu et de ses habitants, ils ancrent la compréhension viscérale de la vivacité de la nature... et du fait que l’humain en fait bien évidemment partie. Il ne s’agit plus pour eux d’un concept, mais d’une réalité tangible, qui s’incarne dans un arbre, dans le cycle de vie d’une prairie, les retours des oiseaux migrateurs et le réveil des insectes. Ils sont ainsi physiquement conscients de leurs impacts sur le milieu qu’ils fréquentent avec régularité. Ils constatent le tassement du chemin sous leurs pieds, les différences de peuplements végétaux de la rivière en fonction des lieux de fréquentation, les irrégularités de densité de couverts végétaux… Ils expérimentent ainsi leurs capacités à préserver le milieu et celles de la nature à se régénérer. Il s’agit d’un apprentissage dense et complexe, qui fait appel à certaines capacités d’observation et d’analyse qui vont mûrir progressivement au contact du lieu. Il s’agit également d’un lien fort et pérenne qui sera tissé fil à fil, séance après séance. Le pédagogue accompagnera ce processus, qui ne peut être entré en force dans l’esprit des enfants, via des discours ou des démonstrations, mais requiert une délicate approche maïeutique qui ne peut s’envisager que sur le temps long.


Cécile THUEUX




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